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Hubert Bodin propose

  Hubert propose des poèmes et  des fables, ces œuvres furent écrites il y a très longtemps et laissées dans un tiroir parce que destinées à l'oubli. C'était une époque où il apprenait l'économie des mots. Il rêvait d'écrire des romans. Ce n'est que plus tard, beaucoup plus tard qu'il a décidé  de vous les proposer...

METRO

Tandis qu’en haut la vie s’écoule

Sur le bitume, sur les trottoirs,

De longs couloirs en longs couloirs,

Dans le métro, la foule roule.

Sur des déclics, des portes claquent,

Des quais se vident, des yeux se braquent

Sur des visages sans expression.

Premier arrêt, dernière station,

Station L’Etoile, station Nation.

Les gens défilent

En longues files

Silencieuses sous les néons.

Et l’on attend au portillon ;

Premier ticket, dernier poinçon.

Autre départ et l’on repart ; destination ? Station L’Etoile, station Nation.

De rame en rame,

Ramant l’air noir,

Navette jaune en longs couloirs,

La rame tisse sa jaune trame

Entre l’Etoile et la Nation.

Le métro gronde, le métro tangue,

Jaillit du trou, sort de sa gangue.

Une secousse et l’on se pousse.

Dans le fracas des roues bloquées,

Le métro crisse le long du quai.

Premier arrêt, dernière station,

Station l’Etoile, station Nation.

Et on débarque et on embarque,

Sacs et valises, valises et sacs,

La foule en vrac,

Talons qui claquent

Sur le pavé de la station.

Vous vous changez de direction :

Là, c’est l’Etoile; là, c’est Nation,

Faites attention !

Jean Mortagne

LE DINGUE

 

Un fou dans son asile remplissait des bouteilles.

La tâche était facile, le travail rigolo ;

Choisir un robinet que d'un œil on surveille,

Le placer à l'endroit très précis des goulots

C'était ça la besogne quotidienne et pareille

D'un gars un peu dingo qui voulait voir de l'eau.

Ses gestes répétés, le manque de distractions,

Engendrèrent en vingt ans un peu de lassitude.

Il faut le reconnaître et quoi que nous fassions,

Qui fait les mêmes choses se noie dans l'habitude.

Finies les découvertes ! Parties les émotions !

Notre fou le comprit et changea d'attitude.

D’abord pour commencer, parmi tous ses projets,

Il trouva idéal de devoir se changer.

Au travail, c'est normal, si l'on veut du nouveau,

Il faut changer d'habits et de tricot de peau !

L'évidence était telle qu'il le fit sans façon,

Allant jusqu'à ôter chaussures et caleçon !

Convaincu d'être ainsi changé et nouveau-né

Il mit son robinet sur ses anciens goulots,

Puis remplit deux bouteilles avant d'être étonné;

Le robinet coulait et redonnait de l'eau.

Alors il s'emporta .pourtant il était lourd !

Il hurla comme un fou contre la société

Qui par ses robinets fait jaillir l'eau pression. '

A quoi bon se changer, c'est la même eau qui court ?

A quoi sert d'être nu avec son robinet ?

Notre dingo de froid mourut de congestion.

 

Si celte histoire idiote parvient à vous faire rire,

Alors vous aurez tort car nous faisons bien pire !

Songeons tout simplement à nos comportements,

Sommes-nous toujours bien sûrs qu'ils soient intelligents ?

Où êtes-vous donc, mes chers bambins ?

Où êtes-vous donc, mes chers bambins ?

Dans mes pensées qui errent, je revois vos visages, Vous qui m’avez quitté au tournant d’un chemin, Quant au dernier cahier, avez tourné la page.

Grands voleurs que vous êtes ! Oui, vous m’avez volé ! Vous avez emporté dans vos yeux ma jeunesse,

Vous êtes tous partis à grandes enjambées,

Et vous partez encore, et vous partez sans cesse.

Toi qui ne faisais rien, le dernier de la classe,

Le cancre désabusé aux yeux pourtant rêveurs,

Je t’ai aimé, vois-tu, et malgré mes menaces,

Parmi mes souvenirs, tu restes dans mon cœur.

Je vous cherche mes enfants, assis-là à vos tables,

Vos visages reviennent, je revois vos sourires ;

Toi qui récitais bien, redis-moi une fable !

Et puis toi, le bavard, vas-tu bientôt finir ?

Je me souviens de vous devenus si sérieux

Quand un sujet, soudain, prenait de l’importance,

Vous aviez ce regard que votre esprit curieux

Rendait si lumineux, qui sentait la confiance.

Oui, vous étiez ma vie, toute mon existence ;

Vous êtes tous partis en m’oubliant peut-être !

C’est pourquoi, aujourd’hui, tout seul dans le silence, J’essaie de vous revoir pour me sentir renaître.

H. Bodin

LA   LOI

 

 

Des hommes en leur pays se voulurent responsables.

- C’en est assez, dirent-ils, d’édifier sur du sable,

A ne jamais penser, nous sommes tous coupables,

Nous préparons demain, la faute inévitable.

Ils décidèrent alors pour y porter remède,

De chercher des mesures, c’est ainsi qu’on procède,

Pour obliger les gens, pour obtenir qu’ils cèdent.

Ils trouvèrent un principe, non celui d’Archimède,

Un principe, une règle qu’ils appelèrent « la Loi »

Ainsi chacun saurait où s’arrêtaient ses droits.

L’idée, pour être bonne, demandait qu’on y croie.

Il fallait qu’on le dise, il fallait qu’on l’emploie.

La loi fut acceptée par la majorité

Qui crut sentir en elle un début d’équité :

Elle semblait, pour le moins, prôner l’égalité,

Elle assurait chacun de sa vraie liberté.

Décrets et règlements furent alors édictés,

La Loi proliféra en grande quantité,

On codifia tellement dans la diversité

Qu’on obtint à l’envers tout l’effet escompté.

La  Loi devint le fait d’une minorité

Qui vit là le moyen de pouvoir profiter

De l’ignorance des autres et ainsi d’exploiter

Le peuple et sa misère dans la légalité.

La richesse à grandir tue la moralité.

On compliqua la loi, on la fit sans clarté.

On fit d’elle la première, l’unique nécessité,

L’effort pour la connaître servit à l’éviter.

Ce pays-là mourut, étouffé par ses lois.

Les gens se révoltèrent sans soucis de leurs choix,

Et arguant de l’exemple outrepassèrent leurs droits.

 

 

                 H. Bodin dit Jean Mortagne

Je vous aime

 

Je sais que vous m’aimez

Vous aimer mieux que moi que vous aimez

Impossible, croyez-moi.

 

Telle quelle, je vous aime,

Comme vous êtes, je vous vois

Si belle, je vous aime,

C’est possible, croyez-moi.

 

Votre visage change,

Trahi par les années.

Je vous aime mon ange,

Vous n’avez pas changé.

 

Vos yeux sont toujours bleus

Et votre voix si douce,

Je ne sais pas qu’il pleut,

Ni que le temps nous pousse.

 

Mais vous pleurez, pourquoi ?

Pour ce qui est si loin ?

Loin de vous, loin de moi,

Je vous aime néanmoins.

 

N’est en moins que le temps,

Une partie de la vie

Que vous regrettez tant ;

Tel n’est pas mon avis

 

A vie, oui je vous aime,

C’est ainsi, croyez-moi.

Si vous êtes quand même

Moins jolie qu’autrefois.

 

  Hubert Bodin dit Jean Mortagne

DES   ASTRES AMOUREUX

 

 

Deux astres s’aimaient d’amour dans la même attraction.

Ils gravitaient ensemble rejoignant leurs anneaux,

Le cœur en apogée, selon l’orientation,

Les pôles rapprochés comme des tourtereaux.

Il a suffi d’un rien dans leurs inclinaisons

Pour changer leur destin et leur champ de vision.

Ils découvrirent chacun un tout autre horizon,

Ce qui ne faisait qu’un redevint division.

L’amour est ainsi fait qu’il faut peu de raison

Pour qu’un astre amoureux change de direction.

J’ai perdu un ami

 

Je crois que ce matin, j’ai perdu un ami.

Je l’ai lu dans les yeux d’un enfant désolé

Qui regardait mourir un oiseau dans son nid,

Car l’enfant qui pleurait ne m’a pas regardé.

« Il va mourir, papa ! m’a-t-il crié soudain

En caressant les plumes de son oiseau mourant.

« Il est trop tard, ai-je dit, le soigner serait vain,

Et la vie d’un oiseau ne dure que peu de temps ! »

Mais quand l’oiseau est mort, je n’ai pas su quoi dire

Devant cet enfant seul qui ne comprenait pas.

La mort et son mystère, qu’y avait-il de pire ?

Moi qui devais savoir et qui ne savais pas.

Il eut suffi d’un geste que je n’ai pas su faire

Pour le pauvre oiseau mort ce matin dans son nid ;

En moi, l’enfant perdu voulait trouver son père ;

Je crois que ce matin, j’ai perdu un ami.

            HISTOIRE  D’ ÂNES

 

 

Deux ânes trottaient ensemble portant le même bât.

L’un était prétentieux et l’autre si bêta

Qu’ils allaient ignorants à travers tout l’Etat,

Sans trop jamais savoir où conduiraient leurs pas.

Ils étaient fatigués quand l’ignare demanda :

-Pourrais-je au moins savoir vers quel endroit l’on va ?

A marcher de la sorte, qui nous arrêtera ?

Et la charge devient lourde ! Se plaignit le bêta.

-N’ayez point de soucis, ne vous tracassez pas !

Répondit le grand âne, sachez que je suis là.

Sans moi, vous n’êtes rien, chacun vous le dira.

Suivez donc sans mot dire et portez votre bât.

Ce discours déplut fort, que dis-je, contraria,

Car on beau être âne et qui plus est bêta,

Qu’un âne de la sorte, pareillement vous traitât

Il y a bien de quoi en laisser choir son bât.

Notre âne amer vexé sur le champ le quitta.

-Vous porterez tout seul, ceci vous apprendra !

Lui dit-il en lâchant d’un seul coup tout son bât.

L’autre reçut la charge et des genoux plia.

L’ambition le soutint pour qu’il ne succombât,

Car si l’on est vieil âne, ce qui était son cas,

Il était trop âgé pour mener ce combat.

Mais l’âne était bâté, hélas, il s’entêta.

L’animal sans adjoint en efforts s’épuisa,

Y perdit sa couleur, son brillant, son éclat.

A vouloir porter seul, il fallait qu’il tombât.

Il fit tant et si bien que ce jour, il creva.

Bonnes gens qui riez, c’est souvent comme cela

Qu’à se croire trop toujours, on est seul ici-bas.

A mépriser les autres, on vous laisse votre bât,

Et l’on passe oublié de la vie au trépas.

DES   ASTRES AMOUREUX

 

Deux astres s’aimaient d’amour dans la même attraction.

Ils gravitaient ensemble rejoignant leurs anneaux,

Le cœur en apogée, selon l’orientation,

Les pôles rapprochés comme des tourtereaux.

Il a suffi d’un rien dans leurs inclinaisons

Pour changer leur destin et leur champ de vision.

Ils découvrirent chacun un tout autre horizon,

Ce qui ne faisait qu’un redevint division.

L’amour est ainsi fait qu’il faut peu de raison

Pour qu’un astre amoureux change de direction.

J’ai perdu un ami

 

Je crois que ce matin, j’ai perdu un ami.

Je l’ai lu dans les yeux d’un enfant désolé

Qui regardait mourir un oiseau dans son nid,

Car l’enfant qui pleurait ne m’a pas regardé.

« Il va mourir, papa ! m’a-t-il crié soudain

En caressant les plumes de son oiseau mourant.

« Il est trop tard, ai-je dit, le soigner serait vain,

Et la vie d’un oiseau ne dure que peu de temps ! »

Mais quand l’oiseau est mort, je n’ai pas su quoi dire

Devant cet enfant seul qui ne comprenait pas.

La mort et son mystère, qu’y avait-il de pire ?

Moi qui devais savoir et qui ne savais pas.

Il eut suffi d’un geste que je n’ai pas su faire

Pour le pauvre oiseau mort ce matin dans son nid ;

En moi, l’enfant perdu voulait trouver son père ;

Je crois que ce matin, j’ai perdu un ami.

HISTOIRE D’ÂNES

 

 

Deux ânes trottaient ensemble portant le même bât.

L’un était prétentieux et l’autre si bêta

Qu’ils allaient ignorants à travers tout l’Etat,

Sans trop jamais savoir où conduiraient leurs pas.

Ils étaient fatigués quand l’ignare demanda :

-Pourrais-je au moins savoir vers quel endroit l’on va ?

A marcher de la sorte, qui nous arrêtera ?

Et la charge devient lourde ! Se plaignit le bêta.

-N’ayez point de soucis, ne vous tracassez pas !

Répondit le grand âne, sachez que je suis là.

Sans moi, vous n’êtes rien, chacun vous le dira.

Suivez donc sans mot dire et portez votre bât.

Ce discours déplut fort, que dis-je, contraria,

Car on beau être âne et qui plus est bêta,

Qu’un âne de la sorte, pareillement vous traitât

Il y a bien de quoi en laisser choir son bât.

Notre âne amer vexé sur le champ le quitta.

-Vous porterez tout seul, ceci vous apprendra !

Lui dit-il en lâchant d’un seul coup tout son bât.

L’autre reçut la charge et des genoux plia.

L’ambition le soutint pour qu’il ne succombât,

Car si l’on est vieil âne, ce qui était son cas,

Il était trop âgé pour mener ce combat.

Mais l’âne était bâté, hélas, il s’entêta.

L’animal sans adjoint en efforts s’épuisa,

Y perdit sa couleur, son brillant, son éclat.

A vouloir porter seul, il fallait qu’il tombât.

Il fit tant et si bien que ce jour, il creva.

Bonnes gens qui riez, c’est souvent comme cela

Qu’à se croire trop toujours, on est seul ici-bas.

A mépriser les autres, on vous laisse votre bât,

Et l’on passe, oublié de la vie au trépas.

Titre 6

                          LES CORBEAUX

 

 

Quand les corbeaux se posent sur les clochers d’église,

Je voudrais bien savoir ce qu’entr’ eux ils se disent.

Parlent-ils sur le temps ou du nid qu’ils construisent ?

Des soucis, des enfants, ou de quelque bêtise ?

 

Quand les corbeaux se posent sur les clochers d’église,

Je voudrais bien savoir d’où viennent ces oiseaux.

Que cachent-ils sous leurs ailes ? Que cherchent-ils là-haut ?

La protection du ciel pour un destin nouveau ?

 

Quand les corbeaux se posent sur les clochers d’église,

Je voudrais bien savoir ce qu’entr’eux, ils se disent.

Chantent-ils pour les leurs qui, loin d’eux, agonisent ?

Aiment-ils les oiseaux que les autres méprisent ?

 

Quand les corbeaux regardent les gens de leur hauteur,

Je voudrais bien savoir ce qu’ils portent en leur cœur.

Ont-ils pour les humains, ceux voués au malheur,

Quelque pitié d’oiseau ou quelques rires moqueurs ?

 

      H . Bodin dit Jean Mortagne

 

 

                             LES PORTES

                             LES PORTES

 

Je déteste des portes, je crois, depuis toujours.

En tête, portes closes, fermées de déraison.

Les portes verrouillées, bouclant à double tours,

Portes dorées des cages, les portes des prisons.

Je déteste les portes claquant au nez des gens,

Les portes des huissiers taxant l’humiliation,

Les portes des hospices, des maisons d’indigents,

Portes de tous les camps, goulags, concentration.

Je déteste les portes fermées sur la misère,

Les portes des croyances menant au fanatisme,

Les portes des églises qui s’ouvrent sur les guerres,

Les portes des chapelles, lieux des conservatismes.

Je déteste les portes des demeures malsaines,

Les portes des taudis maculées, ordurières,

Celles des HLM aux murs tagués de haine,

Les portes des mouroirs, celles des cimetières.

Je hais toutes les portes qui réduisent l’espace,

Portes de la sottise, de la médiocrité.

Celles d’intolérance qui condamnent des races,

Portes qui interdisent toutes les libertés.

Je hais les portefeuilles comme porte- monnaies,

Et les portes- paroles soi-disant d’évangile.

J’en veux aux porte-plumes qui vous rayent d’un trait,

Celles qui portent aux nues qui ne sont que serviles.

 

J’aime celles d’Ecole, ces vrais porte-bagages,

Portes d’enseignement reconnu de valeur.

Les portes du savoir qu’on vous ouvre à tout âge,

Qui font des connaissances, les vrais porte-bonheurs.

 J’aime les ouvertures qui donnent sur le monde,

 Belles ouvertures d’esprit, preuves d’intelligence,

Qui font aimer les autres d’une amitié profonde,

Ouvrant ainsi les portes sur de vraies existences.

Je préfère, c’est certain, voir midi à ma porte,

Porte toujours ouverte aux beautés de la vie,

Et ceux qui me critiquent à penser de la sorte,

Je les mets à la porte sans demander d’avis.

PROTESTATION

 

 

 Ce que je voudrais dire pour bien que tu le saches,

Après ces dix années passées dans le même lit ,

Et garde tes sourires ou crains que je me fâche,

Je ne veux plus coucher avec toi, c’est fini !

Chaque nuit, c’est pareil, quand je sombre harassé

De t’avoir repoussée, après bien des assauts,

Je me retrouve encore et aussi mal placé

Sur le rebord du lit, faut-il que je sois sot

Pour supporter ainsi d’être, moi, relégué

Sur la partie extrême de la couche conjugale ;

A force d’équilibre, mes efforts conjugués

 Me permettent de tenir, le temps d’en avoir mal,

D’en avoir mal aux pieds, au dos et à tout le reste,

Pendant que  tu t’étales suivant la diagonale,

La perpendiculaire qu’à tout prendre, je déteste,

Car l’angle ainsi formé dépend, c’est bin normal,

De la base de départ que sont tes jolis pieds ;

Ces pieds toujours gelés qui, comble de détresse !

Tandis que je m’enfuis, excédé, perdant pied,

Reviennent aussi glacés refroidir ma faiblesse.

Car c’est à ma faiblesse que tu dois tant de calme !

Tant de cris réprimés entre les bois du lit,

Quand ma tête lassée d’avoir compté les lames,

Se pose lourdement sur un montant d’appui.

Dix années de souffrance, n’est-ce pas suffisant ?

N’ai-je pas mérité tes faveurs passagères

Qui les années passant s’en vont s’amenuisant ?

C’est pourquoi aujourd’hui, parce que tu exagères,

Je n’irai plus coucher dans les mêmes bois que toi !

 

    Hubert Bodin  dit Jean Mortagne

L’ENFANT QUI N’AVAIT JAMAIS VU LA MER


Il n’avait jamais vu la mer, l’enfant dont l’horizon
Butait sur les prés verts qui bordaient sa maison.
Et l’enfant qui rêvait peignait des vagues bleues,
Peignait du sable jaune semé de galets blancs.
Parfois, il s’allongeait pour suivre les nuages,
Il montait jusqu’aux nues et partait en voyage
Dans un grand ciel tout bleu,
Sous un soleil tout jaune,
Sur un nuage blanc.
Il n’avait jamais vu la mer, l’enfant dont l’horizon
Se perdait dans les terres qui noyaient sa maison. 
Et l’enfant qui rêvait peignait des poissons blancs,
Peignait des bateaux rouges voguant sur l’océan.
Parfois, il préparait quelques maigres bagages.
« Il partait » disait-il, sans penser au naufrage
Qu’on lisait au retour dans ses grands yeux tout bleus
Son sourire un peu jaune sur son visage blanc.
Mais il n’a jamais vu la mer, l’enfant dont l’horizon
S’est noyé dans les terres qui bordent sa maison.

                                        Hubert Bodin  dit Jean Mortagne 
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