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Claire … et son vieil amant.

 

 

Claire, sous une très dense averse d’hiver,

En ce soir, accompagne son vieux partenaire,

Le menant vers une terre inhospitalière,

Là, où on oublie les morts dans des déjà hier.

 

En soixantaine, sa peine est vraiment sincère.

Dans l’ombre du soir qui grignote la lumière,

Ils ne sont nombreux à suivre le corbillard

Une poignée pas plus, des habitués du soir.

 

Claire est l’ultime famille, seule amie

De ce feu Roger qui avait quitté la vie.

Une fille jeune et un vieux mec trop âgé,

Deux amoureux qui n’avaient le droit de s’aimer.

 

Nul n’avait accepté cette union singulière,

La famille, criant au scandale, à l’adultère,

Les amis réciproques avaient aussi fui.

Qui ne vit comme chacun doit vivre, trahit !

C’est le prix à payer pour avoir transigé

Et les bonnes règles de cette société

Et les usages d’une religion austère.

Nul n’a le droit de vivre ainsi de travers.

 

Ce ne fut pas une grande histoire d’amour,

Peut-être, mais elle durera pour toujours.

Peut-être quelque chose d’incompréhensible

Peut-être quelque chose de bien plus sensible.

 

Quarante ans d’une vie, partagés en commun !

Ce doit être un minimum respectable, au moins,

Comme, pour bien de couples, presque sans un nuage,

Un livre avec des mots d’amour sur chaque page.

 

Roger, sexagénaire, vivait de très peu,

Une retraite exsangue, pour un petit vieux.

Claire, elle, avait, de belles études, terminées

Avant que d’exercer un rentable métier.

 

Elle se souvenait de ces premiers émois.

Elle avait laissé, près de ceux de l’homme, ses doigts

Traîner une fois, sans vraiment savoir pourquoi.

Un geste inconscient pour une histoire sans voix.

 Et puis, ce n’était qu’un petit jeu de conquête !

Un simple petit jeu de séduction peut-être

Qui ne perdurerait pourtant pas bien longtemps,

Pour un peu d’émotion, pour croquer du piment.

 

Il était certes âgé, mais réellement charmant,

Bien plus intéressant que ces autres amants

Qui pensaient bien moins aux sentiments, qu’à ses fesses.

La sincérité côtoyait bien la tendresse.

 

Les premières semaines n’étaient pas faciles.

Nul n’admettrait que cette fille si docile,

Trop jeune, qui se dit, fréquente un vieux monsieur

Si âgé qu’il aurait pu être un de ses aïeux.

 

Il fallait bien se cacher, ils n’auraient compris,

Personne ne l’accepte, toujours aujourd’hui.

Il y eut ces caresses au fond d’une auto

Puis les draps, d’un hôtel pas regardant.

 

Puis un jour, elle installa une indépendance

Et reçut à souhait son amour en décence

Pour partager son corps sans aucune retenue

Quand les volets sont clos, la vérité est nue.

Sans que personne ne perçut quoi que ce soit

Sans que quelqu’un ne parle de ce qu’il ne voit.

Nul ne dérangea ce couple plus que discret

Au bout d’un chemin perdu, presque égaré.

 

Pour un amour interdit, privé de lumière,

Le bonheur se mesure-t-il en temps, en hier,

En nombre de proches ou en toute autre chose ?

Non ! Le bonheur se vit fort, même en prison rose.

 

Claire, sous une bien dense averse d’hiver,

Ce soir, accompagne son amour centenaire,

Le menant vers une terre inhospitalière,

Là où on oublie les morts… dans des déjà hier.

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