Le traintrain.
Je n'étais sur le quai des bijoutiers,
Ni celui d'une gare réformée,
Pas de chef de gare non plus ici,
Personne, presqu'un lieu sans une vie.
J'étais vraiment seul sur ce banc assis,
Mon désarroi perdu dans mes oublis,
Sous la marquise de verre sans titre
Et la fonte dont la couleur s'effrite,
Contre ce mur de pierre indifférent,
J'attendais en fait le train patiemment.
C'était une micheline du passé,
Un truc sans wagon qui, seul, avançait.
J'entendais au loin, le bruit crissant
Des roues de métal, sur les rails piaulant,
Les freins tardent la machine à freiner.
J'étais seul sur ce quai abandonné,
Le porte-drapeau, impavide était.
Dans la vieille micheline exténuée,
Seul encore, dans ce décor, j'étais.
La machine, sans pilote avançait.
Près d'une vitre au verre fatigué,
Un siège à la peau usée, j'adoptais,
Dans la direction du déplacement.
Le tortillard se trémoussait, tremblant,
Pour gagner un peu de célérité,
Loin des trains si rapides tégévé
Que les vaches ne voient plus circulant.
Atteint un train de sénateur dément,
Il se contentait de suivre impunément
Des rails plantés dans un décor absent.
Par la vitre usée des yeux bien curieux
Je voyais au-dehors trop silencieux,
Des animaux perdus au mi des champs,
Des humains d'une main ou deux saluant
Près du passage à niveau sans niveau.
Des tracteurs patientaient un peu plus haut,
Pour sans doute une utopique moisson.
Déjà, se montrait un tunnel profond,
La lumière du jour s'évanouissait
Et ce n'est pas la luisance élavée
D'une ampoule essoufflée qui rassurait.
Là, seul, j'étais, pas de quoi s'épeurer.
De nouveau, le jour baignait l'environ,
Tout semblait immobile à l'horizon,
Cela faisait quoi, deux ou trois minutes
Que nous nous étions élancés, que zut,
La poussive, l'allure, diminuait.
Déjà, je voyais les quais défiler
Il me semblait que nous arrivions…
D'où j'étais parti. Je cherchais un nom
Peint en blanc et bleu sur un mur flapi…
J'étais revenu d'où j'étais parti.
Pourtant, le train, demi-tour, n'avait fait.
Mais bordel qu'est-ce donc qui se passait ?
J'aurais roulé sur un circuit complet !
Revenu à la raison, je serais !
Pour un tour de la ville embastillée,
Bien d'autres minutes ne suffiraient.
Puis, de nouveau, le tunnel s'assombrit,
Toujours la gare d'où j'étais parti,
Et ce train qui ne s'arrêtait pas, plus
J'étais bien éveillé, pas fou non plus,
Pas plus qu'en un hier oublié pour autant
Je me pinçais fort et hurlais l'instant.
Mais bordel qu'est-ce donc qui se passait ?
Un rêve ou un voyage terminé !
-Jo ! Arrête de jouer au petit train !